Chers Membres,

Nous avons le plaisir de vous offrir ici une interview du professeur Sylvain Marchand. Nous lui avons posé des questions sur deux thèmes :

Vous pouvez retrouver l’interview sous deux formats. Soit par audio, soit par écrit ci-dessous :

 

 

  1. Pouvez-vous brièvement vous présenter, afin que les nouveaux étudiants puissent connaître leur nouveau professeur de rhétorique, en mettant en valeur votre parcours à la lumière du cours?

Marchand : Bonjour, je m’appelle Sylvain Marchand et je suis professeur à l’Université de Genève. Le cours de rhétorique est un cours qui rentrera dans mon cahier des charges suite au départ du Prof. Aubert. Je construis des argumentations depuis 50 ans dans le cadre de ma vie professionnelle. Réfléchir à la manière de s’y prendre est très intéressante, c’est une manière de développer des nouvelles (et meilleures) méthodes d’argumentation. L’expérience montre que la meilleure façon d’apprendre, c’est d’enseigner. Il était donc naturel pour moi de souhaiter reprendre ce cours. J’exerce également en qualité de conseil d’une Etude. J’enseigne le droit des poursuites à l’Université de Neuchâtel en plus de mes cours à l’Université de Genève.

 

  1. Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre ce cours ?

Marchand: Je n’ai pas une maturité Suisse mais un baccalauréat Français. A l’époque, le programme comprenait des cours de rhétorique et j’ai gardé quelques bons souvenirs de ces cours, mis à part leur  aspect parfois jargonnesque,. Ces cours  m’ont sans doute  été utiles, sans que je m’en rende vraiment compte, durant ma carrière académique et professionnelle.

 

  1. Voulez-vous poursuivre le cours de rhétorique tel qu’il a été enseigné jusqu’ici (Analyse de texte/ Phrase / Préparation de discours), ou souhaitez-vous une rupture quant à la méthodologie? Si oui, quelle rupture et pourquoi ?

Marchand:Ce n’est ni une rupture, ni une continuation. En fait, je ne connais pas le cours du professeur Aubert. Je reprendrai peut-être certain éléments de façon fortuite mais mon idée n’est pas du tout de reprendre la même structure par principe. Cela dit, les éléments que vous avez présentés y seront forcément. Je pense effectivement que dans le cadre d’un cours de rhétorique il faut de temps en temps se pencher sur l’analyse d’un texte, qui illustre la matière. La rhétorique repose sur une structure traditionnelle qui se doit d’être enseignée en tant que telle. Mais, à ce moment présent, ce cours de rhétorique n’est pas figé. Il pourra  encore évoluer. Je ne peux encore révéler ce que va être son contenu mais vous le verrez bien !

 

  1. Le cours de rhétorique a, au sein de la faculté de droit, une image symbolique, notamment celle de l’ « appris par cœur ». Quelle place donnerez-vous à « l’appris par cœur » au sein de votre cours ?

Marchand: Aucune ! Parce que je n’apprends rien par cœur et je trouve que l’on est très mauvais lorsqu’on apprend par cœur. Je sais que le professeur Aubert n’était pas du tout de cet avis et nous en avons discuté. Il considère, en accord avec beaucoup d’auteurs classiques, qu’en apprenant par cœur on finit par intégrer totalement un texte et à le restituer d’une bonne façon. Personnellement, je préfère l’improvisation et je l’ai toujours préférée. Les gens qui restituent un texte par cœur ne sont pas très convaincants, en tout cas, c’est l’impression qu’ils m’ont donnée. C’est une querelle d’école on peut dire, mais je ne pense pas qu’apprendre par cœur soit une bonne technique rhétorique. Je le déconseille d’ailleurs, il n’y a rien de plus stressant que d’avoir appris un texte par cœur et de devoir le restituer au bon moment, devant les bonnes personnes. Au contraire si on a juste une structure en tête, on est beaucoup plus à l’aise pour s’exprimer, et le discours est plus séduisant.

 

  1. La forme de l’examen sera-t-elle revue? Si oui quelle en sera la nouvelle forme et pourquoi ?

Marchand: Je connais la structure actuelle. En effet je m’occupe de l’examen du mois d’août. Donc je vais évidemment suivre la structure qui était celle du professeur Aubert de façon à ne pas créer d’inégalité de traitement entre les étudiants qui ont passé l’examen au mois de juin et ceux qui vont le passer en août. Donc en août, l’examen ne va pas changer. Ensuite je me sens relativement libre de faire autrement, notamment en ce qui concerne la stylistique qui , à vrai dire, m’attire moins. Je n’étais pas totalement convaincu par toutes les erreurs pointées dans le document du cours actuel. Bien sûr ce document est intéressant parce qu’il invite les étudiants à réfléchir à la nécessité d’enrichir leur vocabulaire et donc de ne pas toujours utiliser les mêmes termes passe-partout. En même temps il y a ce côté un peu sclérosant qui donne l’impression que tout ce qu’on dit est faux. Il faut faire attention à cette idée qu’il y a des phrases justes et des phrases fausses. Il y a certes des fautes de grammaire et des fautes de style clair, mais ensuite il y a aussi certaines libertés dans l’expression La façon de s’exprimer est une liberté qui est appréciable qu’il ne faut pas forcement réprimer.  Donc je ne pense pas reprendre ces phrases de stylistique.

Le discours est une bonne idée.  M.Witzig continuera a assurer les  séminaires de rhétorique. Par conséquent, l’idée d’un discours préparé pendant l’année présenté à l’examen me semble être  une bonne idée. Puis quelques questions sur le cours aussi pour éviter que les étudiants ne viennent pas en cours et passent l’examen sans connaissance des principes de rhétorique. Donc voilà, je n’ai pas encore de politique totalement définie en ce qui concerne l’examen mais il  sera sans doute constitué de quelques questions sur le cours et d’un discours préparé. Il  n’y aura plus de phrases de stylistique.

 

 

  1. Donnerez-vous, comme votre prédécesseur, vos cours à Uni-Bastions ? Dans quelle mesure un Professeur choisit-il ses salles?

Marchand : Le cours ne continuera pas à Uni-Bastion. Je ne reprends pas l’idée de faire un cours d’une heure et demi. Je garde la structure classique de deux fois trois quarts d’heure. On ne pourra donc pas garder ce cours à Uni-Bastion qui n’était pas disponible pendant ses horaires. De plus cela empiétait sur la pause de midi, ce qui n’est pas très pratique. A midi je déjeûne (rire), peut-être vous aussi. Cela aura donc lieu, même si l’horaire n’est pas encore fixé, le vendredi dans une salle à l’Uni-Mail.

Pour votre deuxième question, les professeurs sont libres de choisir les salles où ils enseignent dans la mesure de la disponibilité de ces dernières. Ce qui est une grande restriction puisque évidemment il y a peu de grands auditoires. La plupart du temps lorsque l’on veut changer de salle, en obtenir une autre de taille convenable est impossible. Mais Mme Grottaz qui s’occupe de cela est toujours pleine de bonne volonté et cherche toujours à nous satisfaire dans la mesure du possible. Nous aurons donc une salle à Uni-Mail.

 

 

 

  1. Que souhaitez-vous recommander/conseiller aux étudiants qui vont entamer ce semestre de rhétorique avec vous ?

Marchand: Une envie. Il n’y a pas besoin de plus pour la rhétorique. Et peut-être aussi prendre conscience du fait que l’argumentation est le moteur du droit. Le droit n’est rien d’autre qu’une argumentation. Donc la rhétorique a une place considérable, je ne veux pas gonfler l’importance de cette matière,  cela n’a pas tellement de sens en soi, toutes les matières sont intéressantes et toutes les matières ont leur importance. Néanmoins toutes les matières ont leur pratique et la pratique de toute matière juridique passe par une argumentation. C’est-ce qui rend le droit intéressant. Le droit n’est pas intéressant si c’est n’est qu’un mode d’emploi. Donc l’argumentation c’est vraiment le travail du juriste il me semble. Réfléchir sur cette argumentation et avoir les instruments de cette argumentation me semble être utile et nécessaire dans le cadre d’étude de droit. C’est la raison pour laquelle j’espère que les étudiants auront envie de participer à ce cours et qu’ils se rendront compte de l’utilité de ces connaissances classiques, qui ont été réunies depuis longtemps, qui prennent la forme de ce qu’on appelle la rhétorique.

 

  1. Etant célèbre pour vos schémas au sein de la faculté, peut-on s’attendre à en avoir lors de votre cours de rhétorique ?

Marchand: Il ne s’agit  pas d’un cours de droit positif, cela sera peut-être plus compliqué d’expliquer la rhétorique par des schémas, mais si le besoin s’en fait ressentir, pourquoi pas? Les schémas permettent à certaines personnes de mieux appréhender une matière alors que d’autres sont plus littéraires dans leur forme d’analyse. Le schéma comporte aussi le piège de donner une apparence de  facilité, alors que si l’on n’a pas saisi la matière dont le schéma n’est qu’une représentation,  cela se ressent tout de suite à l’examen.

 

Volet associatif, en tant que membre du Conseil Participatif:

  1. Quel rapport avez-vous eu avec l’AED jusqu’à aujourd’hui?

Marchand: Aucun, sauf une fois où j’étais invité à la soirée Gatsby, l’année passée. Il y a quelques années aussi, à l’hôtel Kempinsky où j’ai pu réaliser un petit discours. Je ne pensais pas qu’il y avait des attentes particulières envers les professeurs en ce qui concerne les activités de l’association.

Van Campenhoudt : Il est vrai qu’il y a toujours eu dans le passé associatif une volonté d’indépendance vis-à-vis de l’institution qu’est l’université afin de conserver une forme de liberté. Mais nous avons réalisé dans notre dynamique et dans ce qu’on voulait essayer de créer qu’avoir le soutien des professeurs était vraiment nécessaire. On remercie d’ailleurs les professeurs qui sont les premiers à nous accueillir lorsqu’on veut faire des présentations. Nous pourrions peut-être seulement reprocher à ces derniers de ne pas plus nous inclure dans le parcours étudiant.

Marchand: Je pense qu’il faut que vous réalisiez que l’initiative doit venir de vous. Je ne parle pas que pour moi, je pense que c’est l’avis de l’ensemble de mes collègues. Nous n’avons pas tellement de raisons de nous adresser à l’AED et de proposer des choses. Mais nous sommes les premiers à accueillir favorablement vos initiatives comme celle de cette interview.

Van Campenhoudt: Cela ouvre un débat très intéressant : un étudiant est rarement plus de cinq ans à l’université. Les professeurs offriraient une stabilité et une durabilité plus importante à l’association et ses activités au vu de leur temps à l’université ainsi que leur expérience générale. Mais ceci est un autre débat.

 

  1. Quel est pour vous le rôle que doit avoir une association telle que la nôtre dans le parcours universitaire d’un étudiant

Marchand: Je ne suis pas membre de cette association. Je ne suis plus étudiant depuis un certain nombre d’années. Je trouve que ce n’est pas très légitime de vous dire quoi faire en tant que professeur de l’université. Mais si j’étais encore un étudiant en droit j’aurais bien voulu que ce soit un peu festif et j’aimerais bien qu’on m’apporte un certain soutien par rapport aux cours. Je pense que c’est ce que vous faites mais avez-vous besoin d’un professeur pour vous dire cela?

 

 

  1. Quelle place laissez-vous à la voie étudiante dans les décisions de l’Université ?

Marchand: Les structure existent, et sont assez démocratiques. Malheureusement, la pratique montre que la voix étudiante n’est pas très forte. Alors est-ce la faute des professeurs? Je ne pense pas. Je pense que c’est une initiative qui devrait venir du corps estudiantin. Au Conseil Participatif il y a très peu de demandes, d’oppositions ou de contestations qui viennent de corps étudiant. D’une certaine façon c’est un bon signe. Cela veut dire que les étudiants sont relativement satisfaits de leur faculté et j’en suis ravi. D’un autre côté c’est un peu dommage que ces structures qui existent ne soient pas plus utilisées par le corps étudiant pour faire des propositions et le cas échéant certaines critiques, ou exprimer des idées plus générales sur la façon dont la faculté est gérée.

Voilà les structures existent, qu’est-ce vous voudriez que l’on fasse d’autre qu’offrir les structures nécessaires? On ne va pas vous forcer à parler. Un doyen de l’université de Neuchâtel commençait toujours les réunions du Conseil Participatif par la phrase suivante: ”les personnes qui n’ont rien à dire sont priées de ne pas le confirmer verbalement”.  Je confirme que si les étudiants n’ont rien à dire, ils sont priés de ne pas le confirmer verbalement. Et cela n’est pas du tout grave de ne rien avoir à dire. Souvent c’est une bonne chose de ne rien avoir à dire. Cela m’arrive souvent de ne rien avoir à dire et en général je m’abstiens.

D’ailleurs un des éléments que j’aimerais bien mettre dans ce cours de rhétorique est que le silence est un instrument rhétorique parfois  sous-estimé.

 

  1. Qu’aimeriez-vous changer au sein de notre faculté ? Au sein de l’Université ?

Marchand: Concernant la faculté, je trouve parfois le nombre d’étudiant difficile à gérer. Mais il n’y pas de proposition qui suit derrière. Ma proposition n’est pas de mettre un numerus clausus à l’entrée ni de limiter le nombre d’étudiants. Mais très franchement comme professeur, parfois, je regrette d’avoir à gérer des masses aussi importantes. Notamment, pour la gestion des examens. Il n’y a plus tellement la possibilité d’un contact personnalisé entre le Professeur et l’étudiant en raison du nombre. C’est un problème qui est présent dans toutes les universités en Suisse. Je pense qu’il faut que l’on réfléchisse à une autre forme d’examen qui tienne compte de cet effet de masse. Sinon le statut professoral a toujours été très agréable.

Van Campenhoudt: De plus en plus d’examens reprennent les QCM, alors qu’ils ne sont pas un bon moyen d’évaluer les connaissances d’un élève selon moi. Mais ils permettent de gérer les masses, qu’en pensez-vous?

Marchand: Je rejoins votre critique parce que je n’ai jamais réussi un seul QCM de ma vie. Je cherche toujours la quatrième solution dans les trois qui me sont imposées. Mais un bon juriste doit toujours chercher la quatrième réponse ou un bon étudiant, s’il y a une bonne réponse dans les trois, doit être capable de plaider le fait que les 2 réponses fausses ne sont pas si fausses que cela. Cependant, il y a un côté décourageant à corriger 500 copies. Ce n’est pas si simple que cela. Mettez-vous à la place des assistants, qui sera peut-être la vôtre pendant quelques temps. C’est très lourd, très fastidieux et très frustrant de corriger autant de copies. Le caractère automatique de la correction de QCM a son intérêt. Ça se fait dans des grandes universités aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres. Je pense qu’il faut trouver une équilibre, de temps en temps une partie QCM à l’examen permet de valider l’acquisition de certaines connaissances brutes, pas forcément intelligent mais cela fais aussi partie des études. Mais si l’examen n’est que QCM, je trouve que c’est un peu réducteur par rapport aux études universitaires.

 

 

  1. Un dernier mot?

Marchand: Je suis très content d’avoir au moins un contact avec l’AED maintenant. 

 

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